Monopole postal et achemineur

Bonjour,
Les règles du monopole postal et ses exceptions sont anciennes et rappelées dans les Instructions Générales.
Exemples :
- 1832 : article 1
- 1856 : articles 1, 1213 et 1217.
Néanmoins, on rencontre des courriers dont le pré-acheminement depuis l’étranger, avant leur entrée dans le service postal, a été effectué par des entreprises privées qui l’indique parfois explicitement sur les lettres : « Forwarded by … … ».



Il est peu probable que les sanctions prévues pour ces contraventions au monopole aient été appliquées à ces entreprises (150 à 300 francs par contravention) et que celles-ci aient continué à l’afficher sur les courriers.

Connait-on le régime (d’autorisation ?) appliqué à ces sociétés ?

Bonjour,

Avant que Doudad ne te trouve une masse de documents objectifs et pertinents, je livre un seul commentaire, tiré de la lecture du Traité de Jaccotey (1891), notamment pages 196 et 197.
Il y pourrait y avoir contravention dans le cas des deux lettres que tu montres*, MAIS cela dépend de plusieurs critères, dont celui de l'origine véritable des correspondances. Jaccotey semble indiquer qu'il est préférable que cela soit prévu dans chaque convention (exemple avec la Belgique).

* l'écriture de l'adresse et celle du texte intérieur de la première lettre sont-elles identiques? Sinon, l'adresse pourrait avoir été écrite par l'achemineur (d'où l'indication "E.V"), donc pas de contravention car pas de correspondance au sens postal pur et insertion dans le service postal à proximité de chez le porteur du message.
Quant à la seconde, si le pli vient de Paris ou de la proche banlieue, là encore l'entreprise privée a apporté le pli à la poste à proximité et ce transport privé jusqu'à une boîte à lettres ne peut pas être considéré comme une infraction au monopole postal.

Consulter aussi le manuel de Jurisprudence de Ricard, qui comme le Jaccottey, est disponible sur Gallica.

bonjour,

dans le cas de la deuxième lettre, à mon avis, il n'y a pas acheminement proprement dit, ou du moins, il ne porte pas préjudice à l'Administration : elle encaisse 50 centimes pour 10 grammes payés jusqu'à destination pour N-Y, convention d'avril 1874.

Pour la première, si elle vient de l'étranger, par exemple, on peut considérer qu'il y a immixion dans le service des postes, bien qu'il faille prendre en compte l'article VII de la déclaration du roi du 8 juillet 1759 qui stipule que les particuliers ne sont pas empêchés de faire porter leurs lettres "par telle personne qu’ils jugeront à propos." La justice admet généralement que la déclaration royale de 1759 autorise les particuliers à faire porter leurs lettres par des exprès à leur service, agissant dans leur intérêt exclusif, et ceci tant en matière de grande que de petite poste. En règle générale, j'imagine que l'Administration des postes n'avait pas trop intérêt à mettre des bâtons dans les roues du Commerce, tant qu'elle gardait la main sur une partie du traitement des lettres ; ça reste du cas particulier.

Les textes régissant l'immixion sont très anciens (arrêts du Conseil d’État des 18 juin et 29 novembre 1681, arrêté du 27 prairial an IX), mais ils n'ont pas été abrogés par la loi du 29 août 1790 citée dans l'IG de 1832.



Celle-ci vient du Havre, probablement incluse dans un paquet de docs accompagnant une marchandise. Postée à Paris, pour Dreyfuss, on n'en a pas fait toute une affaire.

D.

Bonjour,

Malgré le nombre assez élevé d'officines ayant acheminé des lettres au mépris du monopole, il y a deux considérations pour comprendre le laisser-faire des Postes, puisque laisser-faire il semble y avoir :

- Forwarder (lorsque c'est inscrit sur l'enveloppe) = transitaire, le mot n'est donc pas une profession de foi d'achemineur de courrier.

- Surtout, ne pouvant ouvrir le courrier (sauf le cas des rebuts), l'administration peut soupçonner mais pas constater le délit. Qu'en pensez-vous ?

Bruno

Oui, je suis assez d'accord.

A la lecture d'une étude consultée sur l'excellent site d'un jeune et brillant chercheur en devenir, on peut constater que de nombreux cas d'immixion existaient à Lyon au début du XXème siècle, au vu et su de tout le monde, Administration comprise, et que cette dernière a littéralement dû organiser un flagrant délit pour pouvoir ouvrir un procès, pensant probablement que les choses avaient assez duré. Et qui plus est, pour condamner le délinquant, il a fallu sérieusement s'employer, au motif de la primauté des intérêts du Commerce, mais aussi de l'usage et de l'agrément du public.

http://jef.estel.pagesperso-orange.fr/vericel.html

D.

Doudad a écrit:

A la lecture d'une étude consultée sur l'excellent site d'un jeune et brillant chercheur en devenir, on peut constater que  .  .. . . .

http://jef.estel.pagesperso-orange.fr/vericel.html

D.

Très saine lecture, intéressante et fort bien documentée

F.

Merci pour ces commentaires.

Les deux lettres sont malheureusement sans correspondance.

Avec correspondance, j'ai ces deux exemples, mais sans cachet d'achemineur.






En faisant une recherche sur l'agence MUNROE, on trouve plusieurs lettres adressées "Care Munroe et C° à Paris" et réexpédiés par l'agence à une nouvelle adresse. On rencontre également des lettres adressées dans un premier temps à Londres et réexpédiées par l'agence depuis Paris.
La proposition de Bruno de "transitaire" est donc sans doute pertinente.

Citation :

A la lecture d'une étude consultée sur l'excellent site d'un jeune et brillant chercheur en devenir

Un jeune retraité !


Dans le BM 1865-03 (pages 139 et suivantes) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5512975x/f30.image.r= , on trouve deux condamnations à des amendes de 16 francs et de 3 fois 16 francs.

Dans l'affaire Véricel, le Tribunal de Lyon admet "qu'il n’est possible de faire échec au monopole des postes, en s’appuyant sur la déclaration de 1759, que lorsque l’intermédiaire est une personne choisie par l’expéditeur (et non par le destinataire) pour une mission particulière et déterminée, pour ce qui touche l’envoi de sa correspondance" (Pandectes voir note 10).

C'est la plupart du temps le cas des lettres transmines par "forwarding agents". Leur client leur confie pour mission de mettre leur courrier à la boîte. Que la lettre leur soit remise en main à New-York et qu'elle soit postée à Paris n'entre pas en ligne de compte. Donc, pour la Justice, l'acheminement n'est pas une immixion illégale dans le service des postes.

D.

Ci-dessous une bien belle lettre dont le scan m'a été transmis par Harlan Stone pour illustrer un article paru dans les DP n°214.



Légende de l'article : "... originaire de la côte Est des États-Unis le 27 juillet 1840, routée par le navire Le Baltimore, et qui est envoyée à son destinataire « à l’attention de MM. Welles & C° », agents achemineurs à Paris. Elle a été remise au capitaine du navire, raison pour laquelle elle ne présente aucune marque postale américaine. Elle porte une marque d’entrée OUTRE-MER/LE HAVRE du 23 août, et a été pesée à 20 grammes pour une taxe française de seize décimes, payée à Paris par les achemineurs. La lettre a ensuite été remise en port dû à la poste, à l’attention d’une autre agence d’achemineurs, Hentsch & Cie à Genève. Les marques initiales de poids et de taxe ont été rayées, et un timbre CF/8D apposé au recto. Les huit décimes portés sur la marque comptable correspondent à la taxe française du premier échelon, sans préjuger du poids effectif de la lettre. A l’arrivée à Genève, celle-ci est pesée pour six huitièmes d’once, fraction portée au dos, et elle est taxée à vingt-et-un décimes de Genève, suivant le tableau du tarif des lettres de et pour la France de 1839, consécutif à la réforme monétaire genevoise."

Dans ce cas, l'utilité des achemineurs est de pallier l'absence de relation directe entre les EU et la Suisse. Le premier achemineur a servi de relai, pour payer la taxe française de port dû et remettre à la boîte, et le renvoi au second achemineur est certainement dû au fait que les comptes des frais d'envoi étaient tenus en interne, entre transitaires. Ici, il n'y a pas d'immixion illégale dans le service postal.



Même principe pour ce pli rédigé à Pernambouc (Brésil), à destination de l'Espagne, et transmis à Liverpool, hors du circuit postal, par l'intermédiaire d'un achemineur. A Liverpool, la lettre entre dans le service postal ; l'achemineur paye le port, et sur la lettre est notée la mention Via France 10d, et le calcul explicite  5 + 5/10. L'affranchissement est payé jusqu'à la frontière d'entrée en Espagne, comme l'indique la marque ovale PF. Cachet de départ de Liverpool du 18 novembre 1845, transit par Londres le 19, timbre d'entrée en France ANGL. 2 BOULOGNE 2 du bureau d'échange de Paris (deuxième échelon de l'entrée par Boulogne), arrivée à Barcelone le 27 novembre et taxe manuscrite pour le port intérieur espagnol, hors convention : 10 reales de vellón pour un poids entre 6 et 7,5 adarmes, suivant le tarif du 16 novembre 1807 pour les lettres venant d'Angleterre.

D.