K. und K. FELDPOST (1914 - 1918)

Bonjour à toutes et tous,

parmi mes sujets de prédilection, les postes de la monarchie austro-hongroise, notamment les bureaux du Levant et les lignes maritimes du Lloyd austriaco, la province de Bosnie, ainsi que la poste de campagne durant la Première guerre mondiale (Feldpost en allemand, les initiales K. & K. étant les initiales de "Impériale & Royale", François-Joseph étant empereur d'Autriche et roi de Hongrie), sujet très peu connu en France. 
Je me propose d'ouvrir ce fil pour insérer ponctuellement  quelques pièces intéressantes ou originales, et susciter d'éventuels commentaires sur les analogies ou les différences manifestes avec les pratiques françaises, belges, allemandes,... que vous connaîtriez.


Le personnel du bureau de campagne 611 en 1917 (source : Forum Austria)



"A tout seigneur, tout honneur..."

Voici un carte, a priori anodine, postée le 13 novembre 1916 auprès du bureau de campagne (Feldpostamt) 51 (*). Elle est délivrée le jour même à destination, Vienne. On trouve en haut à gauche le cachet administratif de l'unité de l'expéditeur, obligatoire pour justifier de la franchise : K.u.K. Generalfeldpostdirektion, Direction générale de la Poste de campagne. 



A gauche, les coordonnées de l'expéditeur :
Posch
Gen. Feldp.
direktor
F.P.A.51
13/11/16
... ce n'est autre que le Directeur-général des postes de campagne de la monarchie ! lequel écrit à son épouse.





L'organisation de la poste de campagne mise en oeuvre lors du déclenchement de la guerre à l'été 1914 est justement due aux réformes conduites par Josef von POSCH (1851-1932) entre 1905 et 1907.
Fils d'un employé des postes autrichiennes, notre homme a connu une carrière exceptionnelle qu'il débute à l'âge de 19 ans, sans avoir fait d'études supérieures. Il gravit les échelons de la hiérarchie pour devenir, en 1895, directeur des Postes de la province de Bukovine (Est de la monarchie) puis, 10 ans plus tard, directeur-général des Postes militaires au ministère du commerce ! Il termine sa carrière comme "conseiller ministériel" (traduction de l'expression allemande) en 1912.
Les défis et les difficultés rencontrés lors de la mise en place et du fonctionnement réels de la poste de campagne, une fois la guerre déclenchée, amènent le pouvoir à le rappeler et le renommer dans la fonction de General Feldpostdirektor en 1916. Il sera chargé après la défaite de 1918 de gérer la liquidation du service de la poste aux armées. Une carrière bien remplie !

Laurent.

(*) L'état-major général des armées austro-hongroises (AOK, Armee-Oberkommando) s'est vu attribuer deux bureaux de campagne : le 11 et le 51.

Préserver le secret de la provenance des correspondances militaires

Comme pour l'ensemble des belligérants, une vigilance toute particulière était apportée à préserver au maximum le secret de la localisation et des déplacements des unités sur le front et à l'arrière immédiat. D'où la consigne, classique, de ne pas mentionner de nom de lieu dans l'en-tête et le texte des lettres des soldats. Le cachet du bureau de campagne ne comportant, lui, qu'un numéro "anonyme".

A deux reprises, entre août et novembre 1914 sur le front russe et entre juin et octobre 1915 sur le front italien, des correspondances militaires durent être confiées à des bureaux civils pour être acheminées. Désorganisation des lignes devant l'avancée de l'ennemi ? Contre-offensives rapides "semant" une partie des unités de logistiques ?

Toujours est-il qu'il était délicat de permettre de localiser précisément, grâce au timbre à date du bureau civil en question, position et/ou mouvement d'une unité. Il fut donc décidé d'apposer sur les cartes expédiées par les militaires (et portant la griffe de leur unité pour justifier de la franchise) un cachet ordinairement utilisé pour valider les mandats postaux, composé de deux numéros : celui de la province, et celui du bureau. Ainsi l'entrée dans le circuit postal était officialisée et le secret préservé !



Voici une de ces cartes, écrite le 5 novembre 1914 alors que la section de ce soldat (une unité du 14° corps d'armée) tentait (vainement) de résister à la poussée russe vers Cracovie. La griffe administrative violette identifie l'unité militaire, le soldat précise son adresse postale (bureau de campagne 83), mais il est impossible, en cas de prise du courrier par l'ennemi, de déduire la moindre localisation ou mouvement du régiment.

J'ai cerclé de rose sur ce mandat postal le cachet en question dans son usage civil normal :



Laurent.

De très beaux documents et non moins passionnant résumé, bravo.

carbone14 a écrit:

De très beaux documents et non moins passionnant résumé, bravo.

Merci !

Laurent.

C'est aussi un peu ce que j'aime collectionner mais plus WWII, ce qui peut prêter parfois à confusion entre "vieux documents" et "soutenir une personne".
Loin de là pour moi mais tant de choses disparaissent au fur et à mesure du temps qu'un jour on aura plus de passé.
Il faut le sauver ce passé, même les musées doivent se séparer d'objets qualifiés de "non respectueux".
Un jour ne verra t'ont même plus nos gaulois car trop sanguinaires ?

Collectionneurs d'autographes...


Carte expédiée en Bohême, de Sarajevo le 21 décembre 1916, 



le cachet administratif violet Kommandierender General und Landeschef von Bosnien-Herzegowina (Gouverneur et général commandant de Bosnie-Herzégovine) justifie la franchise militaire dont bénéficie l'expéditeur,

celui-ci précise ses nom et qualité dans la partie gauche : général (d'infanterie) von Sarkotic... c'est à dire le gouverneur de Bosnie en personne ! Ci-dessous en tournée d'inspection à bord du SMS Dalmat dans un port de la mer adriatique, Castelnuovo (source : Archives nationales des Pays-Bas !)



pas de correspondance au verso : juste sa signature qui occupe toute la partie réservée à la correspondance, sans doute pour un admirateur ou un collectionneur d'autographe !



Laurent.

Magnifique.

Merci !

Sinon, plus courantes, les cartes de la série des généraux avec portrait et autographe imprimé, ici le général Böhm-Ermolli :



L.

Je ne connais pas et je découvre, c'est très intéressant, merci du partage.

MANQUE DE FRANCHISE !  (1)


Bonsoir à toutes et tous,

pour illustrer encore le sujet intitulé "Préserver le secret de la provenance des correspondances militaires"   ci-dessus, voici une carte postée par un soldat en octobre 1914, alors que les troupes austro-hongroises étaient bousculées par les Russes en Galicie.
La carte a été remise précipitamment dans un bureau civil qui l'a timbrée, donc, avec son cachet de contrôle des mandats postaux IX-59. Las, le postier viennois n'y a pas prêté attention ou n'avait pas connaissance de ce procédé provisoire : ne voyant ni cachet régimentaire, ni dateur de la poste de campagne, il a taxé la carte pour 10 heller (double de l'insuffisance d'affranchissement) :







MANQUE DE FRANCHISE !  (2)

Les soldats austro hongrois ne bénéficiaient de la franchise que dans le régime intérieur et vers les pays alliés. Une disposition spécifique leur permettait cependant d'en bénéficier pour les membres de leur famille résidant en Suisse. 
Pas de cachet ou d'indication spéciaux cependant : les postiers autrichien puis suisse devaient remarquer l'homonymie et acheminer sans taxer.
Hélas, ça ne marchait à tous les coups : Franz Marschik qui écrivait à Viktor l'a échappé belle : d'abord considérée comme bonne à taxer (mentions manuscrites T  et 20) la lettre a finalement été transmise en franchise !



Laurent.

Bonjour à toutes et tous,

des cartes de circonstances, vendues au profit des fonds de bienfaisance du ministère de la guerre :


Noël en mer





L.

Bonsoir,

je réactive ce fil avec un document assez plaisant.

Les postes de campagne administraient le courrier des civils dans les territoires occupés durant la 1ère GM : Pologne russe, Serbie, Monténégro, extrême nord de l'Italie. Elles offraient toute la gamme des services postaux (lettres, mandats, télégrammes, etc.), l'affranchissement se faisant en timbres spécifiques légendés K und K Feldpost (Poste de campagne impériale et royale).

Ici, un bulletin d'expédition de colis postal en contre-remboursement, expédié en Pologne du bureau de Piotrkòw (juin 1918) pour celui de Konsk (17 juin 1918):



L'expéditeur s'est acquitté du droit fiscal pesant sur les envois de colis, 10 heller, ici matérialisés par un timbre fiscal autrichien surchargé Administration militaire imp. et roy. Les formulaires civils autrichiens et hongrois avaient ce timbre fiscal déjà imprimé sur le formulaire.

A cela s'ajoutent 80 heller pour un colis de moins de 5 Kg, et 10 pour le service de contre-remboursement, d'où le timbre à 90 h.




Le destinataire s'est acquitté de 5 heller de droit de présentation (en timbre-taxe), et a versé 29 couronnes 80 heller pour valeur* du contenu, envoyés à l'expéditeur par mandat postal dont une partie du reçu a été collée au verso.

Pas rare, mais pas courant non plus !

L. 

* A noter que la valeur déclarée par l'expéditeur au recto de la formule était... 30 couronnes !

Bonsoir,

un très improbable document en vente sur D* :

Imprimé (Drucksache) au bon tarif, expédié depuis le bureau des postes de campagne n° 239 le 8 septembre 1914...



sauf que les timbres spécifiques à la poste de campagne n'ont été émis qu'à l'été 1915 et, comme si ça ne suffisait pas,
que le bureau 239 n'a été en activité qu'entre 1916 et 1918.

Manifestement un faussaire ignare qui est à la recherche d'un collectionneur ignare...

L.