La séquence rapidement tournée, la troupe s'embarqua et fila vers
l'ouest où l'attendait un péplum de Bresson avec Paul Préboist dans
le rôle de l'empereur Hadrien. Ce départ me rassura quant au sort de
Biquette. Enfin, à moitié, car je devinai à l'odeur de ses jets d'urine,
qu'elle délivrait par saccades, que la pauvre était en chaleur. Et pas le
moindre bouc à l'horizon qui est toujours lointain. Son regard mouillé
semblait me repprocher de l'avoir achetée comme bête de réforme
au BMC de Sidi-Bel-Abès; son aîeule était, elle, morte en couches à
Camerone. Affalée sous la table des joueurs de cartes, elle me fixait
d'un oeil humide, signe d'une muette tristesse. De tout ce bazar, de
ce caravansérail, s'échappaient des remugles peu ragoûtants. Si enco-
re la maquerelle pétomane avait mis une sourdine et maîtrisé ses flatu-
lences. Deux ou trois coups de pied dans les guibolles donnés par un
mineur originaire des Deux-Sèvres eurent pour seul effet de décoller
sa perruque qui valsa et atterrit dans la sciure mêlée aux crachats; elle
se mit à gueuler et faillit avaler son ratelier... Spectateur attentif, j'obs-
servais la scène digne d'une eau-forte de Chantal Goya.
Tel le fils prodigue, il était peu-être temps de retourner dans ma tribu
où l'on devait s'inquièter de notre absence...... Soudain, du fond de la
salle, un colosse annonça enfin le spectacle tant attendu par les habi-
tués: nous allions assister à un combat de catch entre Omar le Noir,
champion des Antilles toutes catégories, et Anita, la danseuse entière-
ment nue sous sa robe de percale. Beaucoup s'empressèrent de parier
sur les chances respectives des protagonistes. Le fond d'un vieux Stet-
son, puant la bière, fut bientôt rempli de quelques piècettes, sept bou-
tons de braguette et trois douzaines de cous de poulets. L'issue de
l'empoignade ne faisait aucun doute, les forces étaient par trop inéga-
les, à moins qu'une prise vicieuse.........
(à suivre et à poursuivre)