.....De combat, hélas, il n'y eut point. Un -- ami, entends-tu le vol lourd des
condors sur l'hacienda -- nous avertit de l'imminence d'un cyclone, phé-
nomène fréquent à cette époque de la lune rousse atrabilaire. Le cata-
clysme s'abattit brutalement sur le saloon, épicentre de sa fureur; le toit
en tôle ondulée fut arraché comme une bande Velcro et nous tous as-
pirés comme avec le meilleur appareil de la gamme Hoover ( pas Edgar,
celui du FBI ). Quelques plombes plus tard, Biquette et bibi, nous nous
réveillâmes au bord de l'oued Tagada, la gueule envasée, le cul suçoté
par un vieux piranha édenté. Cela calma la chèvre et apaisa mon priapis-
me estival. Nous nous hissâmes à bord d'un canoé trouvé là, sans doute
l'embarcation d'un chasseur de grizzli ou d'un ramasseur de bousiers.....
Le courant nous porta deux jours durant vers le campement, Biquette
godillant de ses pattes arrière car les pagaies s'étaient fracassées dans le
premier rapide rencontré. Quand la rivière se fut calmée, courbaturée,
les reins brisés, elle vint s'allonger à côté de moi....... Le premier soir,me
voyant griffonner sur mon vieux carnet aux taches douteuses, elle ,qui
avait tout lu d'Alphonse Daudet, me tint des propos qui à ce jour m'é-
tonnent encore.
"" Dis Janon, t'écris parfois comme on dérive. Tu lâches les rames et tu
t'allonges au fond de la barque pour mieux regarder le ciel. On se con-
nait bien, on est deux solitaires au foutu caractère. Ta squaw, ton
frère, tes parents sont retournés au royaume des ancêtres. Il te res-
te quand même tes deux petits sioux; ils seront tes bâtons de vieilles-
se. T'en fais pas, t'as pas encore du vent dans ton crâne. ""
Les larmes au yeux, je ne pus me retenir de l'étreindre............. Le cri
du coyotte ne nous réveilla même pas. C'est le lendemain que nous ren-
contrâmes le pélerin en route pour Damas. Peut-être s'appelait-il Paul, je
ne lui ai même pas demandé. Moi, je sais qu'avec Biquette on ira un jour
à Saint Jacques de Compostelle. Je lui ai promis de passer à Espalette, les piments ça la changera des chardons lorrains..............................
Janon
Je dédie ces divagations suburbaines à ceux que j'ai mal aimés.
Je les offre à mes amis du forum!