Mais qui est Mme E.J. ?

bonjour,

les abonnés aux Documents philatéliques ont dû (ou ne vont pas tarder à) recevoir leur numéro d’octobre, avec un peu de retard. En page 2, un article de Guy Dutau traitant d’une lettre écrite en août 1837 depuis le lazaret de Marseille par une passagère du Léonidas, et mise en quarantaine pour cause de peste. La lettre est adressée à Victorine Denormandie, à Paris.

Cette lettre est simplement signée E.J., et Guy Dutau ne semble pas connaître l’identité de la passagère. Etant d’un naturel curieux, voire fouineur, j’ai aussitôt lancé l’inspecteur Maigrelet, des RG, sur la piste.



Une première recherche dans l’inoubliable ouvrage du marquis d’Eyragues, Mémoires pour mes fils (1875), nous donne un indice précieux, sinon déterminant : il croise à Marseille à l’été de 1837 l’épouse du consul de France à La Canée (Crète), Mme Fabrequette (avec un Q), qui termine une longue période de captivité (c’est son mot) suite à la peste à bord du Léonidas (pièce à conviction n°1). Diantre, me dis-je, la coïncidence est troublante, d’autant plus que dans sa lettre, Mme E.J., comme l’appelle Guy Dutau, signale que son mari vient de lui renvoyer une lettre que sa correspondante lui avait adressée à La Canée. La piste est chaude ...



Quelques investigations plus tard, je suis en mesure d’établir l’identité de la suspecte n°1 : une certaine Mme Fabreguette (avec un G), née Lacoste à Paris en 1797 (pièce à conviction n°2), issue de la bonne société (Dutau estime que l'auteur de la lettre est d’un niveau social élevé), veuve en 1822 de Jean-Charles Doublet, avoué à la Cour (pièce à conviction n°3). Sa mère était née Anthoine, et sa tante avait épousé un riche industriel alsacien, un certain Davilliers, qui tenait salon boulevard Poissonnière. Un coup d’oeil rapide sur la lettre de Madame E.J. m’apprend aussitôt qu’elle a un cousin nommé Edmond Anthoine (qui est par ailleurs, comme me l’a appris un rapide coup d’œil par un trou de serrure (pièce à conviction n°4), l’amant d'Emilie Lacoste, sa belle-sœur, épouse de Félix Lacoste, son frère), et que sa tante n’habite plus boulevard Poissonnière. L’étau se resserre !







Quelques années après son veuvage, Mme Veuve Doublet, née Lacoste se remarie avec un sieur Auguste Fabreguette, distingué philhellène (pièce à conviction n°5), attaché au payeur général de Morée, puis consul de France à La Canée en 1831 (pièce à conviction n°6). Rapide vérification des dates. Tout concorde, puisqu'elle avoue dans sa lettre être séparée des siens depuis six ans. Cette fois, elle ne peut plus m’échapper.



Encore quelques détail à vérifier. L’identité de la destinatrice, par exemple. J’apprends que cette Victorine Denormandie est née Bonnet en 1798, et que son époux est président de la compagnie des avoués de Paris. Ah ah ! Voilà donc comment les femmes se sont connues, par l’intermédiaire de leurs avoués de maris. Elle va bien être forcée de l'avouer. D’autant que cette Victorine a un frère nommé Jules (né en 1795), comme ce Jules cité dans la lettre de Mme E.J. Cette fois-ci, elle est cuite, une bonne séance de gégène pour la terminer à l'ancienne et elle devrait craquer facilement.

Encore deux choses : Auguste Fabreguette décèdera en 1842, consul à Malte, dans un accident de voiture. Une jambe écrasée, il ne survivra pas à l’amputation, et mourra dans d’atroces souffrances, mais fort dignement, ainsi qu’il sied aux personnes bien élevées. Deux foix veuve en vingt ans, on peut dire que les maris de Mme E.J. (car c’était bien elle !) manquaient de savoir-vivre. Et enfin, à être née en 1797, il ne faut pas non plus trop s’étonner d’être mise en quarantaine en 1837*.

Ma conclusion : Madame E.J. et Madame Fabreguette ne font donc qu’une, et les initiales tracées d’une plume habile, mais pas au stylo à bille, troublées par le vinaigre purificateur, pourraient être plutôt, à l’origine, E.F.

En conclusion, je réclame donc la peine de mort, Mesdames et Messieurs les Jurés.

D.

* si vous trouvez mon humour trop subtil, dites-le, je lèverai le pied.

Bonjour,

Doudad a écrit:

Le député Fould mentionné n'est pas, comme je l'imaginais d'abord, Achille Fould, député de la Seine en 1848 puis ministre des Postes (des Finances en fait) sous Napoléon III et à ce titre signataire de nombreux textes d'intérêt pour nous autres philatélistes, ce doit être son frère aîné Benoit, député de l'Aisne (St-Quentin) à partir de 1834.

Bruno (Watson)

Bonjour

Et si EJ étaient les initiales de son nom de jeune fille ?

Michel

Elle s'appelait Eliza Lacoste, je ne lui ai pas trouvé de deuxième prénom, si ce n'est peut-être Claire : dans une thèse américaine sur Erechtheion figure la référence à un croquis exécuté par une certaine Eliza Claire Fabreguette en 1834. Sa fille s'appelait Claire, mais elle devait être jeunette en 1834.

Les initiales pourraient être E.C. (il faudrait les voir, mais elles ne sont pas illustrées).

Le tout concorde bien, tout de même.

D.

Geppetto a écrit:

Et si EJ étaient les initiales de son nom de jeune fille ?

"Sois à ce qu'on dit"*, Michel!

Doudad a écrit:

une certaine Mme Fabreguette (avec un G), née Lacoste à Paris en 1797 (pièce à conviction n°2)...

A bientôt.
Michel :cinema:qui cite (*) "Les Tontons Flingueurs"

Merci pour la correction, Michel, je ne "soyais pas" dans le détail 

Vous avez bien de la chance d'avoir pu lire correctement ce n° 230 des DP: le mien a les pages 13 à 28 en double et il lui manque les n° 5 à 12 et 29 à 36

Bonsoir Laurent,

tu sais ce qu'on dit des cordonniers ...

D.

Oui, JF mais heureusement qu'il n'y avait pas un de mes articles (un déjà prêt et un autre en relecture) !

Tu veux que je t'envoie un pdf du n°230 ? Je peux te faire ça pour demain (j'espère que R. Abensur me pardonnera l'absence de copyright).

D.

Mon exemplaire est complet mais je n'ai pas encore pris le temps de le lire...!

Doudad a écrit:

Tu veux que je t'envoie un pdf du n°230 ? Je peux te faire ça pour demain (j'espère que R. Abensur me pardonnera l'absence de copyright).

Merci, ce n'est pas la peine. J'espère que Robert pourra me faire l'échange à son retour de Londres...

Ah, parce qu'ils sont imprimés là-bas ?

Sinon, notre dernier inscrit s'appelle Guy Dutau. Coïncidence ?

D.

Doudad a écrit:

Ah, parce qu'ils sont imprimés là-bas ?

Non, ce n'est pas du même côté de la Manche !

Citation :

Coïncidence ?

Bien sûr que non !!

bonjour,

c'est la deuxième fois que Guy Dutau s'inscrit ici. La première fois, il est passé dans la purge des vieux inscrits jamais connectés.

Parce que oui, il y a une purge des vieux inscrits jamais connectés. Pire que sous Staline, j'vous dis, ma pôv' Germaine !

D.

Doudad a écrit:

...il est passé dans la purge...

A propos de Guy Dutau, Professeur de Médecine (sauf erreur de ma part), l'emploi de cette ancienne (voir antique) thérapeutique me semble... osée!  

A bientôt.
Michel qui souhaite la bienvenue à ce nouveau Forumer:
https://www.youtube.com/watch?v=0aBk54wMqjA

Dis donc D., c'est pas la première fois, mais quand je vois ton experte recherche   sherlockienne, je te redis que je suis toujours en attente des numéros du prochain loto.

Ca traine.

Cher monsieur Maigrelet, je vous remercie de m'avoir fait connaître le nom de l'auteur de la "Lettre du Léonidas". En effet, comme vous l'écrivez à juste titre "Guy Dutau ne semble pas connaître l’identité de la passagère". C'est la vérité. Et j'étais très fâché de ne pas le connaître...
Je pense cependant qu'il n'avait pas échappé aux lecteurs de ce Forum que les buts principaux de cet article n'étaient pas véritablement de connaître le nom la personne qui avait écrit ce beau texte (ce que j'avais traduit de façon probablement maladroite par "l'écriture de la missive est fine et élégante. Le style, de grande qualité, témoigne d'un niveau social, élevé"), mais de percer les mystèresde cette lettre désinfectée qui étaient au moins au nombre de deux : les raisons de la désinfection (la peste et le choléra) et les  répercussions de la quarantainre du Léonidas sur le fonctionnement de la ligne du Levant, ce que je pense avoir pu faire. 
Ayant déjà trouvé une lettre de L'Heureuse-Marie, publiée dans le numéro 225 de Documents Philatéliques, je serais heureux que monsieur l'inspecteur Maigrelet ait la bonté de se pencher sur le Tableau I du présent article pour tenter de trouver des lettres de L'Étoile du Nord, de La Sainte-Famille, de L'Elisabeth, etc. Je tiens aussi à la disposition de Maigrelet (pardon de Monsieur Maigrelet) le nom de 10 navires arrivés à Marseille avec la peste à bord en 1900-1901 : il ne reste plus qu'à percer les mystères de 9 d'entre eux, tout au moins, de trouver des courriers de ces navires. C'est déja fait pour Le Sénégal (voir le n°205 de Documents Philatéliques). 
Bonne chance à monsieur Maigrelet pour ses futures recherches dont je ne doute pas qu'elles seront couronnées de succès.
Bien cordialement?
Guy Dutau

Ah oui, je m'étais déjà inscrit une fois… Je l'avais oublié. C'est un peu (presque) normal à mon âge aussi avancé. Vous avez bien fait de me "purger". Je vois qu'il y a des bloggeurs (ou blogeurs, allez savoir…) très astucieux sur ce Forum. Amusant !

Cher Monsieur Dutau,

avant toute chose, merci infiniment pour votre réponse. D’une part, elle vous a amené à vous connecter sur ce forum, ce qui nous permet, à nous, de compter un académicien de plus dans notre collection de membres actifs (les autres viennent en principe masqués, par peur du sourire narquois de leur concierge), et d’autre part, elle vous permettra, à vous, de ne pas être purgé lors d’un prochain délestage des vieux inscrits jamais connectés (parce qu’il y en a un, j’avoue !). Mais peut-être n’en avez vous cure.

Mais je digresse ... je disais donc, merci, et bienvenue sur ce forum d’amateurs d’objets de collection, et pour certains, d’Histoire postale. Vous dites avec raison qu’il n’a pas échappé à ceux-ci (les amateurs d’Histoire postale sus-cités) que le but de votre excellent article était de leur faire connaître l’histoire croisée de la peste et de la poste ; une piste, mon propos n’était rien d’autre que de leur en faire suivre une sur un mode amusant (du moins, c’est moi qui le dis), afin de rajouter le seul point qui manquait aux i de votre remarquable article. Croyez bien que tous ici (moi inclus) ont bien compris que le texte important, c’est le vôtre et non le mien (mais veuillez me pardonner quand même pour le peu d’ombre que ce petit point a pu y projeter).

Je suis flatté par la proposition que vous me faites de participer à vos recherches. En aurais-je les capacités, ce serait avec grand plaisir, mais je ne suis rien qu’un modeste souffleur de mirliton dont la seule ambition est de faire sourire ses petits camarades de forum avec des blagues à deux balles. L’Histoire postale est une chose trop sérieuse pour qu’Elle me soit confiée. Elle est pour l’instant entre de bonnes mains, et je propose qu’on L’y laisse reposer en paix encore de nombreuses années.

Bien respectueusement,
D. (aka inspecteur Maigrelet)

PS : je ne suis en rien responsable des blaques douteuses du Sieur Labroquerie, je m’en désolidarise complètement, à son âge, il devrait avoir honte !

Vous signes Aka ? Vous êtes Michel Aka de Bordeaux ?
En tout cas croyez bien que j'apprécie votre humour.?
Il faut bien s'amuser un peu dans ce Monde souvent triste !
Croyez bien que je compte continuer le plus longtemps possible à écrire, à courir et à cycler (750 km/mois de juillet à octobre). 
Allez maintenant il faut aller au travail (sur les lettres purifiées !).
A propos, je recense les "lettres purifiées de la grande peste 1720-1722" (en fait en certains endroits on a continué à purifier les lettres pendant les premiers mois de 1723 malgré la fin de la peste "annoncée par le roi"). Si des lecteurs ont ce type de document merci de me fournir un scan : ils seront cités lorsque le travail en question sera publié.
guy.dutau@wanadoo.fr

guy dutau a écrit:

Vous signes Aka ? Vous êtes Michel Aka de Bordeaux ?

désolé, je ne suis pas M. Aka.

Aka est l'acronyme de Also known as ...

D.

Je me permets une dernière intervention, au sujet de l'excellent article de Guy Dutau.

Il reste un dernier point à éclaircir, dont ne parle pas l'article, mais dont tout le monde s'accorde généralement à dire qu'il est d'une importance capitale.

Dans l'ouvrage du marquis Eyragues, il est dit que M. Fould est un ami du capitaine du Léonidas.



Par la Gazette médicale de Paris de 1844, on apprend que le Léonidas était commandé par le lieutenant de vaisseau Lorin.



Or, nous savons que Louis-Antoine Lorin est né en 1802.



Ce qui nous permet de calculer très exactement l'âge du capitaine : il avait 35 ans au moment des faits.

A la vôtre !

D.

Doudad a écrit:

... Ce qui nous permet de calculer très exactement l'âge du capitaine : il avait 35 ans au moment des faits.

Alors là, moi je dis: "total respect"!
Depuis le temps que la question était régulièrement posée, Doudad, de façon irréfutable et quasi-scientifique, vient de résoudre cette équation que l'on pensait insoluble!

A bientôt.
Michel, un peu

Labroquerie a écrit:

Michel, un peu

j'ajoute: et pas rancunier 
Lire sous la plume de Doudad

Citation :

PS : je ne suis en rien responsable des blagues douteuses du Sieur Labroquerie, je m’en désolidarise complètement, à son âge, il devrait avoir honte !

aurait du me faire bondir, mais... à mon âge, je pardonne toutes les élucubrations!

A bientôt.
Michel et

bonsoir à tous
Michel de toutes façons à un certain âge, on ne bondit plus  

Doudad je me répète mais tant pis:
je suis étonné et émerveillé par tes talents d'enquêteur  

on te l'a déjà demandé, mais j'insiste: à quand les chiffres du loto ??

dans le forum privé, bien sur  
Pescator

Ah bon ! AKA ! Also Know As ! Je ne connaisasis pas cet acronyme. Merci. Je vais le mettre en réserve.
GD

Le sujet a eu un rebond inattendu par là :

https://collections.forumgratuit.org/t15374-lettres-refusees-en-debourse#125170