bonjour,
voici une bien belle lettre (Delcampe), étrange et mystérieuse (et chère), comme on les aime (sauf les chères) ...
Elle a été déposée à Marseille avant la troisième levée du 15 mai 1872, affranchie à 25 centimes, et destinée à Mulhouse.
A cette époque, Mulhouse fait partie intégrante de l'Empire allemand. A la date du 15 mai, la France n'a pas encore ratifié (ou tout juste), et encore moins appliqué, le texte de la nouvelle convention de poste franco-allemande, conclue le 12 février 1872. L'application de la nouvelle convention se fera, en France, le 25 mai 1872. En attendant, c'est le régime du double affranchissement, issu de la guerre de 1870, qui s'applique : affranchissement au tarif de l'intérieur jusqu'à la frontière de sortie, soit 25 centimes pour 10 grammes, puis 40 centimes jusqu'à 20 grammes (tarif du 1/9/1871).
Donc l'expéditeur a affranchi pour un tarif intérieur du 1er échelon. Normal.
Oui, mais ... L'employé vérificateur trouve qu'il y a un hic. Il frappe sous le nom de l'expéditeur (Honoré Jullien) sa griffe rouge AFFANCHISSEMENT INSUFFISANT (visible par transparence, avec un peu de rouge dans les trous de la paire) et plutôt que de faire taxer le destinataire, il fait réclamer un complément de 15 centimes au dit expéditeur. La lettre revient dans les mains du vérificateur le lendemain à la troisième levée, avec trois timbres à 5 centimes Empire tirés sur le papier bleuté destiné à la nouvelle Cérès, et recouvrant la griffe rouge sus-dite. La lettre prend ensuite l'ambulant de Lyon, transite par le bureau de passe de Dijon, et arrive à Mulhausen le 17 sans autre forme de procès.
Pourquoi ce sur-affranchissement ? Il faut considérer deux paramètres : la convention postale, et l'échelon de poids.
Si la lettre est au deuxième échelon de poids, elle doit 40 centimes pour l'intérieur, d'accord. Mais dans ce cas, les allemands auraient dû taxer, soit dans le régime du double affranchissement, soit dans celui de la nouvelle convention, qu'ils appliquent (contrairement aux français) depuis le 15 mai, et qui stipule que la lettre de double port insuffisamment affranchie doit payer 10 gros à l'arrivée, moins les timbres appliqués, soit dans notre cas 7 gros. Et cette taxe ne figurent pas sur la lettre.
Reste la possibilité que la lettre soit au première échelon de poids, et que le postier de Marseille ait appliqué, par anticipation, la nouvelle convention, dont la ratification a eu lieu le même jour 15 mai (et même seulement le 20 selon De Clercq, qui doit se tromper), la publication au JO le 24 et l'application le 25 mai (voir l'Avis au public du DGP Rampont du 12 juin 1872). Ce qui serait tout bonnement extraordinaire !
Dans ce cas, il manquerait la griffe PD, mais les allemands n'y touveraient pas de raison de taxer.
Possibilité alternative : la lettre est au deuxième échelon de poids, aurait dû payer la grosse taxe allemande, mais le brave postier mulhousien a considéré que, compte-tenu de la situation, il n'était pas très nécessaire de faire rentrer plus de bon argent alsacien dans les caisses du Kaiser Guillaume, et il a laissé filer ...
A moins que j'ai loupé quelque chose ?
D.