- Cardamone a écrit:
- Si le gars du milieu n'est pas Jean Rameau lui même ... Fô voir :-))
Carda
Bonjour Alain, il s'agit probablement de Rameau his-zelf, et voici un aperçu d'un poème que je défendrais bien pour l'éternité. Il faut toujours s'adresser aux saints.
Sensation d’étéDes seins, des seins, encore des seins, partout des seins !
Des seins ronds, des seins lourds, d’énormes seins de femme
Pendus au haut des corps comme de gros raisins
Dont la pulpe charnue et savoureuse affame.
Des seins ! à l’infini, des seins ! des seins mouvants !
Un grand moutonnement de seins drus qui m’effare
Un océan de seins dont les flots énervants
Se brisent sur mon torse ainsi que sur un phare.
Des seins ! Oh ! Je ne vois que des seins, que des seins !
J’en vois partout, j’en sens partout, j’en prends, j’en tâte.
Tout en est : les gazons en semblent des coussins,
Et l’air blond que je bois en semble être une pâte.
Et j’en ai plein mon cou, mes narines, mes yeux ;
Et tout ce que j’entends de chansons sans pareilles
Me vient, non des oiseaux qui chantent dans les cieux,
Mais de deux seins rosés entrant dans mes oreilles.
Je marche dans des seins ! Quand le soleil paraît,
Je sens couler sur moi des seins coupés en tranches,
Et je suis comme un arbre immense qui verrait
S’ouvrir au lieu de fleurs des seins lourds sur ses branches !
Tout est seins : il en passe en l’azur, en l’air chaud ,
On en trouve des bouts dans les fleurs purpurines,
Et tous ces mamelons nuageux sont, là-haut,
De grands seins déformés, ô dieux, sous vos poitrines.
Tout est seins : le soleil est un sein enflammé,
La terre est un sein rond aplati sur ses pôles,
Et cette bonne vie où je nage, pâmé,
Doit être un sein géant fondant sur mes épaules.
Vive les seins ! Les seins sont seuls grands, seuls sacrés.
Bouches, fronts, lèvres, yeux, tout ment, tout est infâme.
Tout est l’œuvre infernale des démons conjurés.
Dieu n’a fait que les seins dans le corps de la femme.
O seins, lumineux seins, béatifiques seins !
O rougeurs de cerises, ô blancheurs de Carrare !
O vous qui dans nos flancs ébranlez des tocsins,
O vous qui dans nos chairs éveillez des fanfares,
Vous qui faites surgir des astres dans nos yeux,
Vous qui faites, parfois, trouver douce la vie,
O seins, soyez loués ! Et sous l’azur joyeux,
Qu’en chœur tout vous exalte et tout vous glorifie !
Et que pour vous, ô seins, dévotieusement,
Je délaisse les bois, les nids, les cieux, les roses ;
S’éteignent les soleils au fond du firmament,
Si brillent deux seins nus devant mes yeux moroses.
Et sois hué mon nom, et soient mes vers maudits,
Et me geigne le corps, et me sanglote l’âme,
Que je tombe en enfer ! J’aurais le paradis,
S’il me reste deux seins pour mes lèvres de flamme.
Et sèche mon cerveau sous mon crâne enchanté,
Et qu’à la fin je meure, inconnu, pauvre et blême.
Pourvu que mon front las dorme l’éternité
Entre les seins bénis d’une femme qui m’aime.
Jean Rameau (1859-1942)
Michel