Taxé à Gurs en 1943

bonsoir,

en regardant les motivations de nos demandeurs d'asile, j'ai vu qu'un impétrant a indiqué : recherches sur les CTE/GTE.

Ah ah ! me suis-je dit, voilà qui va être intéressant. Mais non, en fait, il n'est jamais intervenu.

Tant pis. En attendant, voici une lettre envoyée en franchise des Etats-Unis, en octobre 1942, vers un "pensionnaire" du camp de Gurs, lequel hébergeait le 182ème GTE. Le destinataire, Max Rehfeldt, n'était pas réfugié/travailleur espagnol, mais plus probablement un juif allemand, soit évadé de Buchenwald, repris en France en 1942 et renvoyé à Auschwitz, selon une source, soit travailleur forcé selon une autre source (ou encore quelqu'un d'autre qui n'a pas laissé de trace sur Google).



L'administration n'a pas accepté la franchise, probablement parce que le destinataire n'était pas prisonnier de guerre, a taxé au double du tarif UPU de la lettre, et renvoyé à l'envoyeur, avec une mention sinistre, considérant le contexte : "Parti sans laisser d'adresse".

Si notre Max Rehfeldt est celui qui est reparti à Auschwitz (les dates collent, arrêté en France en octobre 1942), rassurez-vous, il s'en est sorti, et il est mort en 1977, à 74 ans.

Transit par Lisbonne.

D.

bonsoir

très belle interprétation des indices , il y a du Sherlock Holmes en toi 
un plaisir de suivre le raisonnement 

christop

bonjour,

christop.195 a écrit:

très belle interprétation des indices , il y a du Sherlock Holmes en toi

J'ai pourtant de moins en moins la peau lisse ...

Fin 1942, c'est l'envahissement de la zone sud, les allemands pouvaient venir faire leur marché directement dans nos camps (qui n'hébergeaient évidemment pas de prisonniers de guerre allemands) pour peupler les leurs.

Ces camps du sud de la France avaient servi initialement pour les réfugiés républicains espagnols, utilisés comme travailleurs plus ou moins volontaires au sein des CTE/GTE, puis ont hébergé toutes sortes de gens désignés asociaux, réfractaires, communistes, étrangers, juifs, suspects de tout et de rien, bref tout ce qui n'était pas du Vrai Français.

D.

merci Doudad pour cette belle explication
Pescator

Doudad a écrit:

Ces camps du sud de la France avaient servi initialement pour les réfugiés républicains espagnols, utilisés comme travailleurs plus ou moins volontaires au sein des CTE/GTE, puis ont hébergé toutes sortes de gens désignés asociaux, réfractaires, communistes, étrangers, juifs, suspects de tout et de rien, bref tout ce qui n'était pas du Vrai Français.

Bonjour,

Après la libération, Gurs servit encore à interner des prisonniers allemands, des collaborateurs, on peut le comprendre. Mais aussi des résistants espagnols antifranquistes, ce qui est moins glorieux.

Bruno

Nos rapports avec l'Espagne franquiste ont parfois été un peu ambigus ...

Mais bon, tout vaut mieux que des communistes, c'est bien connu.

D.

Bonsoir,
Doudad parle des GTE et CTE  sans préciser ce que recouvrent dans chaque cas ces trois lettres ; il s'agit des Groupements de Travailleurs Étrangers qui sont les « descendants » des Compagnies de Travailleurs Étrangers.
Pour en revenir à Max Rehfeldt, il est possible qu'il ait été déporté en 1942 vers Drancy et Auschwitz. En effet, pendant la période de juillet à décembre 1942, 2212 internés du camp de Gurs sont partis vers Drany et ensuite vers Auschwitz.
L'hypothèse, trouvée sur le net, que le destinataire soit un juif allemand évadé de Buchenwald, repris en France en 1942 et renvoyé à Auschwitz me semble au minimum, très étonnante.

Lulu

Pour l'histoire du camp de Gurs, se reporter à Claude Laharie, Le camp de Gurs, 1939-1945 ; Un aspect méconnu de l'Histoire de Vichy , et aussi Michaêl R. Marrus & Robert O. Paxton, Vichy et les juifs (édition 2015)

bonsoir,

Lulu a écrit:

L'hypothèse, trouvée sur le net, que le destinataire soit un juif allemand évadé de Buchenwald, repris en France en 1942 et renvoyé à Auschwitz me semble au minimum, très étonnante.

Voici ma source, traduite par Lexilogos, mon allemand n'étant que ce qu'il est :

www.christian-repkewitz.de a écrit:

Der 1903 in Stuttgart geborene Max Rehfeldt kam um 1934 nach Altenburg. Zuletzt lebte er hier mit seiner christlichen Ehefrau im Haus der Familie Freilich Zeitzer Straße 21. Max Rehfeldt wurde im Zuge der Pogromnacht verhaftet und am 12. November 1938 in das Konzentrationslager Buchenwald überführt, welches er am 28. November 1938 wieder verlassen konnte. Am 1. April 1939 flüchtete der als Buchhalter tätige Max Rehfeldt nach Belgien und später weiter nach Frankreich. Hier wurde er interniert und am 26. August 1942 nach Auschwitz deportiert. Er wurde in das Zwangsarbeits- und spätere Konzentrationslager Blechhammer in Oberschlesien verschleppt und Ende Januar 1945 im Zuge eines Todesmarschs in das Konzentrationslager Groß-Rosen evakuiert. Von dort aus gelangte er am 9. Februar 1945 in das Konzentrationslager Buchenwald. Auch hier musste Max Rehfeldt Zwangsarbeit leisten. Max Rehfeldt ist neben Margot Seifert der einzige in Auschwitz nachweisbare Altenburger Jude, der die nationalsozialistische Terrorherrschaft überlebte. Er starb 1977 in Baden-Württemberg.

Si un distingué germanophone veut bien nous éclairer ...

Pour ceux qui souhaitent étudier les bases législatives des CTE/GTE :

12/04/1939 - Décret du 12 avril 1939 sur la création des CTE (Compagnies de Travailleurs Étrangers).
27/09/1940 - Loi du 27 septembre 1940 sur la création des GTE (Groupements des Travailleurs Étrangers).

D.

Bonjour Doudad,

Traduction rapide et perso:
"Né à Stuttgart en 1903 Max Rehfeldt est arrivé vers 1934 à Altenburg. Il y a vécu ensuite avec sa femme chrétienne dans la maison de la famille Freilich au 21 de la rue Zeitzer. Max Rehfeldt a été arrêté durant la nuit de Cristal et transféré le 12 Novembre 1938 au camp de concentration de Buchenwald, qu'il a pu quitter le 28 Novembre 1938.
Alors qu'il travaillait comme comptable Max Rehfeldt a fui le 1er Avril 1939 en Belgique et plus tard en France où il a été interné puis déporté à Auschwitz le 26 Août 1942.
Il a été ensuite été déporté au camp de travail forcé et plus tard au camp de concentration de Blechhammer en Haute-Silésie.Fin Janvier 1945 il a été évacué lors d'une marche vers la mort au camp de concentration de Gross-Rosen.De là, il est arrivé le 9 Février 1945 au camp de concentration de Buchenwald où il a aussi été soumis aux travaux forcés.
Max Rehfeldt est avec Margot Seifert les uniques survivant de la communauté juive d'Altenburg à Auchwitz et du règne de la terreur nazie. Il est mort en 1977 en Bade-Württemberg".

F.

Bonjour,

voici quelques autres exemples de courrier à destination et en provenance du camp de Gurs : http://ww2postalhistory.fr/Intern_Gurs_fr.php?cat=camps&activ=04

Samuel

Et sinon, pourquoi le bureau de poste du camp a-t-il apposé les timbres-taxes puisque le destinataire n'y est plus?

Samuel

Merci François pour la traduction. Max "a quitté" Buchenwald, mais on ne sait pas comment.

Sinon la lettre est arrivée le 3 avril 43, elle a été taxée le même jour, puis mise en distribution, le temps de s'apercevoir que le destinataire n'était plus là, et retournée le 5 avril 1943, dateur du camp au dos.

D.

Bonsoir JF,

Tu parlais un peu plus haut d'évasion. La formulation en allemand aurait été "entfliehen" or le rédacteur du texte que tu as présenté emploie l'expression "verlassen konnte"
soit "a pu quitter" et comme tu le note, il n'est pas dit dans quelles circonstances.
Je pencherais pour la première idée car on ne quittait pas souvent ce camp vivant  

F.