bonsoir,
les cartes-adresse ont été admises à la circulation postale à prix réduit en 1859. Il s'agissait de petits cartons portant d'un côté (disons au recto) l'adresse du destinataire, et de l'autre côté (appellons-le verso) des mentions imprimées ventant les mérites d'un produit commercial.
Par exception à l'article 6 de la loi du 25 juin 1856, ces objets étaient autorisés à circuler
sans bande au tarif réduit de
1 centime, à condition de respecter le réglement général en vigueur pour les imprimés, en ce qui concerne les mentions manuscrites et autres fantaisies autorisées.
Ce libéralisme provisoire a pris fin en septembre 1871, la loi du 24 août ayant remis tous les imprimés non périodiques sous bande.
Quelques années plus tard, les cartes-postales ont été autorisées à recevoir une (ou des) vignettes en supplément de bagage, à condition qu'elles ne gènent pas le service, et qu'elles respectent les règlements en vigueur.
En résumé, en 1902, une carte postale peut-être envoyée sous bande mobile au tarif de 1 centime si elle ne comporte pas de mention manuscrite prohibée, même si une vignette imprimée sans caractère personnel est collée dessus.
Ce (long) préambule pour vous causer de M. Fayolle, pharmacien à Aigueperse (Puy-de-Dôme), spécialisé dans la lutte contre la danse de Saint-Guy, et nostalgique de la carte-adresse. En août 1902, il expédie à un correspondant de Gensac-la-Pallue une jolie carte illustrée, sur laquelle il a soigneusement collé deux de ses réclames, une au verso et l'autre au recto, en prenant bien soin de ne pas trop empiéter sur la zone de suscription.
Un petit timbre-poste à 1 centime dans le coin supérieur droit, et le voilà avec une superbe carte-adresse, comme sous l'Empire. Mais hélas, deux détails viennent ruiner ses efforts. D'une, sa carte devrait circuler sous bande avec cet affranchissement, et de deux, il a cru bon de porter une mention ponctuelle et personnelle ("s'échange", si je lis bien) qui ruine le dit-affranchissement, et qui transforme son imprimé en carte postale (à mon avis).
L'Administration, qui manque cruellement de sensibilité et de sens poétique, taxe impitoyablement au double du tarif de la carte postale à découvert utilisée comme imprimé - sans tenir compte, me semble t'il - de la petite mention manuscrite), soit 8 centimes, que le destinataire refuse de payer, et qu'il va peut-être bien se reprendre dans les dents au retour à l'envoyeur (marque sans "numéro blanc", Gensac étant FR depuis la mi-1895), si la postière d'Aigueperse fréquente sa pharmacie.
Dura lex, sed lex, surtout pour un auvergnat (bien que, techniquement, Aigueperse se situerait plutôt en Bourbonnais).
On notera le superbe collage pleine page à la glu, due à quelque propriétaire précédent, qui ignorait l'usage de la charnière.
D.