Pardon, m'sieur... New-York, c'est par Le havre ou Calais ?

Bonjour à toutes et tous,

je voudrais partager avec vous les très modestes péripéties de cette lettre, postée à Paris (bureau F, rue Sainte Cécile) le 15 juin 1857 et destinée à Dixon dans l'Illinois. Elle rappelle que la poste maritime ce ne sont pas que des échappées vers des contrées lointaines ou improbables, ou des questionnement pour savoir si le paquebot-poste est passé par le détroit de Lombok ou de Bab-el-Mandeb ! 



Prenons le chemin à l'envers : rallier Dixon, vu la densité précoce du réseau de l'Est des Etats-Unis n'a sûrement pas été un problème. L'atlas Colton (édition 1858) nous le prouve :



Quant à traverser l'Atlantique, c'est, sauf malencontreuse rencontre avec un iceberg, un jeu d'enfant : cet extrait de la page 42 du BM n°17 de janvier 1857 nous montre la densité des départs, de 6 à 9 par mois ! C'est la destination d'Outre-mer la mieux desservie à cette époque, la dépêche constituée à Paris pouvant être acheminée vers Le Havre, et Liverpool ou Southampton via Calais.



Non, c'est que le questionnement se situe plus en amont :

L'expéditeur de cette lettre a précisé, à gauche : Voie du havre / Bateau à vapeur / première vitesse.


Donc un acheminement depuis ce port français par la compagnie américaine qui assure la "Havre Line" comme on dit dans la langue de mister Bean. 


Las ! Comme on le voit ci-dessous (extrait du Manuel de poste de l'Empire, édition janvier 1857, il reprend les infos du BM en précisant le lieu d'embarquement), arrivée au Havre, notre missive ne pouvait pas trouver de paquebot en partance pour les States : le "Fulton" avait levé l'ancre le 2 juin, et le suivant, l'"Arago" ne partirait que le 1er juillet !





Les postiers ayant à dispositions les B.M., ou les tableaux de partance des paquebots, il est curieux qu'ils aient suivi l'instruction de l'expéditeur. Le verso confirme le parcours :



Ambulant Paris - Le Havre, 15 juin
Une main (rageuse ou amusée ?) qui écrit Calais à côté de l'adresse, puis retour :
Ambulant (Le Havre -) Paris, (16 ou 17 juin), et enfin :
Ambulant Paris - Calais, 18 juin : c'est lui qui confectionne la dépêche pour les USA, donc il n'y aura pas de cachet de transit britannique.

De l'impératif d'aiguiller vers la voie la plus rapide à celui de suivre l'indication de routage précisée par l'expéditeur, c'es apparemment cette dernière qui était prioritaire ? Pour peu que la requête cadre évidemment avec le montant de l'affranchissement.

La lettre est donc acheminée vers Liverpool pour être embarquée sur le "Niagara" de la compagnie anglaise Cunard, départ le 20 juin.

A l'arrivée, le 1 ou 2 juillet, le bureau de Boston frappe :
son timbre à date BOSTON / PAID / date / 15, confirmant ainsi le PD apposé à Paris (15 = 15 cents, le tarif qui aurait été payé dans le sens USA-France)
le timbre Br. Service pour indiquer la nationalité du paquebot
la mention manuscrite 3 : l'administration postale française, qui a encaissé 80 centimes, devra restituer 3 cents (15 centimes) à l'administration postale US pour le prix du port interne américain.

Laurent.

PS : on appréciera le soin apporté par l'expéditeur à la répartition des infos de la suscription, diligemment séparées par ces 2 traits, horizontal et oblique.

Bonsoir,

Mare Nostrum a écrit:

cette lettre, postée à Paris (bureau F, rue Sainte Cécile) le 15 juin 1857

Je ne m'immisce que pour corriger une petite erreur, ça ne change rien et c'est bien sur beaucoup plus centré sur Pantruche que sur les grands espaces maritimes et les destinations lointaines :

Le bureau F est rive gauche (rue St-Dominique-St-Germain), la rue Ste-Cécile correspond elle au bureau D dans le IXème arrondissement. Le Boulevard St-Germain n'existait pas encore.

Bruno

Bonsoir Bruno,

merci de rectifier... et de me rappeler qu'à partir de 50 ans les lunettes s'imposent  (enfin, pour moi    ) !

Laurent.

Bonjour,

"De l'impératif d'aiguiller vers la voie la plus rapide à celui de suivre l'indication de routage précisée par l'expéditeur, c'es apparemment cette dernière qui était prioritaire ?" 

écrivais-je ci-dessus.

Confirmation dans la circulaire n°49 parue dans le BM n° 19 suppl. de mars 1857 (exécution de la convention de poste entre France et USA) : la voie d'Angleterre doit être privilégiée quand c'est la plus rapide.... sauf si :



Donc peuvent se retrouver au Havre des lettres... "qui n'ont rien à y faire" dirais-je, dans les sens où elles ne peuvent être embarquées sur aucun paquebot-poste. Comme l'illustrait mon enveloppe ci-dessus.



Laurent.