... en passant par Shanghai, et Murcie!
Bonjour à tous et bises aux dames,
J'en imagine certains déjà en train de saliver (quelle route? quel bateau?)... et qui vont être déçus.
Il ne s'agit pas du tout d'acheminement.
Il y a peu, je vois sur un site belge bien connu, un petit lot du 25c. Sage jaune.
Parmi la vingtaine de timbres, l'un me saute aux yeux immédiatement: GC 5104 du bureau français de Shanghai.
Le reste propose des oblitérations propres mais sans intérêt particulier. Figure également une lettre à destination de Barcelone, partant de la rue Bonaparte:
L'écriture et le destinataire (un libraire!) titillent mon imagination ("et si il y avait un texte intéressant?").
Le prix fixe très abordable... click!
Le courrier est arrivé ce matin.
Sans être un texte d'importance littéraire hors-du-commun, la lecture s'est révélée intéressante et m'a fait prendre la direction de Murcie.
L'expéditeur (libraire-éditeur)
commence par de banales informations comptables, et puis après un petit paragraphe relatant une erreur d’expédition, on arrive à ceci:
"Rien n'est encore fixé pour le jour de la mise en vente de Paris Murcie..."
De quoi peut-il bien s'agir? Qu'est-ce donc que ce Paris Murcie?
La réponse: une revue tirée à un seul numéro, au profit des victimes des inondations d'Espagne.
Quid de ces inondations?
Il s'agit d'une véritable catastrophe qui s'est produite le 14 octobre 1879; le fleuve Segura déborde...
https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1974_num_45_4_3414#
La solidarité s'est manifestée de façon exceptionnelle.
Pour en avoir la preuve et savoir ce qui se cache derrière la couverture (spécialement gravée par Gustave Doré), voici le lien qui vous fera pénétrer à la BNF:
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6529767b/f11.item.texteImage.zoomComme l'on dit aujourd'hui: "Y'a du lourd!" Au hasard: Victor Hugo!
Voilà comment, et pourquoi, de la rue Bonaparte on arrive à Murcie, en passant par Shanghai (enfin presque).
A l'époque où les enfants collectionnaient les timbres, les parents les encourageaient en leur disant: "tu vas faire des voyages..." C'est vrai! St-Germain-des-Prés, Shanghai, Murcie, Barcelone! Si c'est pas du voyage ça...
Et les libraires? On n'en parle pas des libraires?
Bien sur qu'on en parle! Du haut niveau les libraires!
Si vous voulez juger par vous-même, voici pour Reinwald:
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64799942/f5.image.texteImage
Quant à Verdaguer, il s'agit d'une librairie
très importante fondée en 1835 par Joaquim Verdaguer i Bollech.
(Le "A" de notre lettre est l'initiale d'Alvar Verdaguer y Coramina. A 19 ans, il va prendre le relais de Joaquim, son père.)
La librairie est citée de nombreuses fois dans un ouvrage de Jean-François Botrel: "La diffusion du livre en Espagne (1868-1914)".
Si le cœur vous en dit:
https://books.openedition.org/cvz/1975
Voici quelques extraits:
287 - Le personnel de la librairie espagnole donne donc, dans son ensemble, une image peu flatteuse de son niveau culturel ou tout simplement professionnel, et la profession doit accueillir à l’époque davantage de mauvais marchands de livres que de bons et grands libraires, du genre des Mariano Murillo, Fernando Fe, López Bernagosi et Verdaguer.346 - Certaines de ces réunions ou tertulias ont d’ailleurs pu jouer un rôle important dans l’histoire de la pensée et de la littérature et même dans la politique. 347 - C’est ainsi que, dans l’Imprenta Llibreria Verdaguer de Barcelone au moment du Renaixement catalan, on trouve assis chacun à son tour dans les deux bergères (poltronas) affectées à la tertulia, Manuel et Pau Milà y Fontanals, Josep Llausas, Joaquín Rubió i Ors et Víctor Balaguer
352 - Cette observation ne doit cependant pas faire croire que la personnalité du libraire est indifférente : on sait par exemple, que les choix idéologiques ou politiques de la Librería Verdaguer ou de la Librería de l’Avenç, se retrouvent à la fois dans leur politique commerciale de diffusion ou d’édition et dans les idées des gens qu’elles attirent. En ce sens, la librairie est plus qu’un simple lieu de sociabilité pour l’élite intellectuelle ; la fonction de la librairie et du libraire, y compris du moins qualifié intellectuellement ou commercialement, a des implications idéologiques générales qu’il importe d’analyser.Lors de son centenaire, un petit bouquin de 64 pages a été édité.
Pour finir, voici à quoi ressemblait cette librairie en 1935:
En 1959, elle fermera définitivement pour être transformée... en restaurant.
A bientôt.
Michel