[b]Cumularde.....les suites[/b]

Il y a quelques temps, Doudad nous présentait une lettre en vente sur D* qui présentait effectivement plusieurs intérêts à la fois:
- une boite rurale, certes non identifiée
- une tarif frontalier, car Denain se situe à moins de 30 Km de Peruwelz (Belgique)
- une lettre taxée à 3 décimes pour timbre ayant déjà été utilisé (donc lettre considérée comme non affranchie). Malheureusement le dossier de poursuite postale a disparu.

Ayant déjà une lettre du même genre avec son dossier complet, je sais qu'il est possible de trouver les suites judiciaires d'une telle affaire. Pour cela, il suffit de consulter les minutes des procés correctionnels qui se trouvent généralement archivés dans les Archives Départementales.
Dans le cas, qui nous intéresse, Denain appartient à l'Arrondissement de Valenciennes et c'est donc le Tribunal de Grande Instance de cette ville qui a géré l'affaire.
Voici la minute du procés:


Utiliser un timbre déjà oblitéré coutaît très cher à l'époque. Ici, ça a couté 10,50 Fr (frais de justice compris) soit plus de 52 fois le port!! Heureusement, le Tribunal reconnaît des circonstances atténuantes (c'était souvent le cas), sinon le prévenu risquait la prison.
Autre intérêt de la minute du procés: localiser la boite rurale. L'accusé était cultivateur à Prouvy, commune rurale proche de Denain.
A noter que pour l'année 1859, ce tribunal a géré 2 affaires de timbre déjà utilisé (une en août, celle-ci) et une autre en novembre.
Une inconnue subsiste quand même: cette lettre a t-elle été envoyée en Belgique? Au verso, elle ne porte que le timbre à date de Denain daté du 21 juillet 1859. Il me semble que la poste ne pouvait pas ouvrir le courrier en l'absence du destinataire (c'est à vérifier). Cependant, comment connaitre l'expéditeur sans ouvrir la lettre?
Il est malgré tout très probable cette lettre ait franchi la frontière, car les lettres portant des timbres douteux étaient envoyées au bureau de poste du destinataire sous enveloppe chargée d'office (modéle 1198). Il est donc normal que le verso de la lettre ne porte pas de timbre à date d'arrivée.
Emmanuel.

Bonjour,

Bonne méthode que d'aller rechercher dans les archives judiciaires !

Cela étant, ça ne fait pas avancer le bouchon sur la possibilté technique et légale de poursuivre un fraudeur écrivant en Belgique. La Poste française ne peut pas ouvrir la lettre au passage pour connaître l'expéditeur. Elle ne peut pas non plus retenir la lettre au cas où l'expéditeur serait désigné au verso par exemple, ou par une marque commerciale au recto.

Tout ce que je peux imaginer, c'est un constat légal dressé en France décrivant précisément l'enveloppe, et une demande d'enquête de police subséquente en Belgique, visant à faire révéler au destinataire la nature de l'expéditeur. Mais justement, je l'imagine mal. En franco-français, la lettre est retenue jusqu'à ce que le destinataire vienne la chercher et soit invité à révéler le nom de l'expéditeur. En franco-belge ce n'est pas possible, la convention de poste n'en parle pas, la lettre est distribuée et la poste n'en garde pas trace. Si un policier se présente chez le destinataire belge, celui-ci lui dira qu'il ne voit pas de quelle lettre il s'agit... fin de l'enquête.

Bruno

bonsoir,

vals59 a écrit:

Une inconnue subsiste quand même : cette lettre a t-elle été envoyée en Belgique ?

une lettre portant un TP présumé frauduleux, à destination d'un pays étranger, était envoyée, accompagnée d'un procès verbal ad hoc, à l'inspecteur départemental du bureau d'origine (IG 1856/1102). Ne pouvant être ouverte par le destinataire, elle tombait alors en rebut journalier (IG 1856/1076-9°).

Citation :

Cependant, comment connaitre l'expéditeur sans ouvrir la lettre?

Les lettre tombées en rebut journalier étaient ouvertes immédiatement à leur arrivée à Paris (IG 1856/1099)

D.

Merci Doudad pour cette réponse détaillée et donnant les sources.
Suite à cette réponse, je me suis pris de curiosité pour aller voir sur Gallica si l'Instruction générale de 1856 y était. Eh bien, elle y est et téléchargeable en plus!
On ne cessera jamais de dire que Gallica est une mine d'or.
Quoiqu'il en soit, l'Instruction Générale du service des postes de 1856 donne effectivement toutes les réponses:
L'article 1076-9: toutes les lettres portant un timbre ayant déjà servi tombées en rebuts pour quelques motifs que ce soit sont considérés comme rebuts journaliers.
L'article 1099, nous dit bien que les lettres en rebuts (sauf exceptions) sont ouvertes une fois arrivées au service des rebuts.
Concernant l'article 1102: il est plus ambigüe en ce qui nous concerne. Il traite des lettres vers l'étranger dont l'affranchissement est obligatoire en séparant bien les lettres qui à l'origine étaient destinées à un destinataire habitant en France, mais entre temps avait quitté le pays et les lettres adressées à l'étranger sans affranchissement.
L'article 1261, lui est beaucoup explicite et répond bien à ma question. La lettre ne quitte pas la France, mais est bien envoyée à l'inspecteur départemental. La boucle est bouclée!

Emmanuel.

Bonjour,

Je m'incline volontiers devant des références aux textes qui valent certes mieux que des affirmations ou des suppositions...

Bruno